La Résistance allemande au nazisme
Figures mythiques de la Résistance allemande
Des héros qui cachent la forêt
Posez la question autour de vous : « Quelle résistance allemande à Hitler » et vous obtiendrez un souvenir hésitant : Stauffenberg ?… La Rose blanche ?
Le prisme courant par lequel on pense pouvoir examiner la Résistance est celui du temps de la guerre et de l’Occupation. On retiendra donc essentiellement les événements qui se sont déroulés durant la guerre… la période où les actes de résistance allemande contre le nazisme ont probablement été les moins nombreux, si ce n’est évanescents.
Stauffenberg, initialement inconditionnel du Führer, avait organisé son attentat pour éviter l’apocalypse à venir. Il appartenait à une conjuration de hoberaux d’extrême-droite, une élite prétentieuse qui se rêvait en élite à la tête d’un régime totalitaire de type aristocratique et pour qui les nazis n’étaient que de vulgaires « Proleten ».
Quant aux membres du groupe Scholl – des jeunes idéalistes peut-être naïfs – ils jettent leurs tracts dans le grand escalier de leur université, en plein jour, au vu et au su de tout le monde. Cela s’appelle un suicide. C’était en février 43, juste après Stalingrad et une bonne partie des Allemands attendaient déjà silencieusement la fin de la guerre en écoutant secrètement la BBC en langue allemande (*).
Ces héros crépusculaires d’une fin de guerre – forcément perdue – ont une dimension absurde et désespérée.
Mais implicitement, voire sournoisement, la mise en avant permanente de ces seuls personnages impose l’idée d’un vide : pas d’autre résistance que celle de ces quelques individus exceptionnels, isolés, voire inconsistants. Ils seraient donc l’exception qui confirme la règle : contrairement aux Français, tous a minima sympathisants de la Résistance, les Allemands n’ont même pas connu la résistance chez eux…. et sont donc d’autant plus collectivement suspects de culpabilité.
L’autre réduction de la perspective
On se souvient aussi des arrestations massives après l’incendie du Reichstag en février 33, un « nettoyage » radical propice à prévenir toute velléité de résistance et qui en a éliminé les acteurs potentiels. Tout concourt donc à penser qu’entre 33 et 45 les Nazis étaient restés seuls face à une masse d’Allemands tantôt enthousiastes, tantôt réduits à la passivité.
C’est ignorer – ou vouloir ignorer et faire ignorer – la masse des héroïsmes quotidiens de nombreux allemands, liés ou non aux réseaux de la résistance allemande en exil à Londres, Prague, Moscou, etc. Certes les oppositions à la montée du nazisme et les réseaux politiques qui les animaient avaient été largement décimés, mais non pas éliminés après la prise de pouvoir brutale des nazis (leur arrivée par la majorité dans les urnes est – hélas – une légende tenace, peut-être entretenue).
Diversité, facettes multiples
En réalité la résistance allemande était active et mutliple, précisément parce qu’elle prolongeait les luttes qui ont précédé l’arrivée des nazis et de leur loi d’exception. Autrement dit, la résistance allemande était intrinsèquement le fait de la société civile. Elle n’était pas née, ni n’a grandi dans le contexte de l’organisation des maquis militaires. Elle également perdu de sa vigueur au fur et à mesure que les sbires.
(*) Radio BBC en langue allemande avait débuté le 27 septembre 1938 avec le discours de Chamberlain au lendemain des accords de Munich et il fût lu en traduction allemande par Walter Goetz, artiste peintre et caricaturiste allemand exilé à Londres ; on estime à 15 millions les Allemands qui écoutaient régulièrement la BBC, la nuit, dans leur lit et sous la couverture pour en amortir la sonorité ; cette pieuse écoute de la liberté était punie de la peine de mort.
Dossier
Avertissement
Notre propos n’est pas de proposer un dossier exhaustif, mais, à la suite d’un rapide tableau synthétique de la résistance (ou plutôt des résistances allemandes) quelques sources d’informations et d’analyses pour tous ceux qui désirent en savoir plus.
Cinq types de résistances allemandes
Contrairement aux résistances armées des territoires occupés par l’Allemagne, qui se sont renforcés au fil des années et regroupées dans des maquis, la résistance allemande était avant tout civile et a progressivement perdu de sa force tout au long des douze années de dictature.
– En effet, la première résistance contre le nazisme commence dès son ascension, à la fin des années 20.
Mais, dans l’année qui suit leur prise de pouvoir, les nazis pourchassent, arrêtent, emprisonnent et déportent massivement les acteurs de cette résistance politique issue du jeu démocratique de la République de Weimar.
La première résistance au nazisme est donc massivement victime de sa visibilité dans le cadre du parlementarisme qu’Hitler abolit sitôt son arrivée à la Chancellerie.
– La deuxième résistance sera celle des survivants de cette destruction systématique de toute expression démocratique, orphelins politiques d’organisations décapitées et vidées de leur encadrement.
Mais, globalement, ils ne furent qu’une minorité à combattre le nazisme. Ils venaient de tous les milieux politiques, religieux et sociaux, en majorité des mouvements ouvriers et de la gauche, mais aussi du centre bourgeois libéral, de la droite intellectuelle et des milieux ecclésiastiques. Dans la clandestinité, de manière éparpillée, fragmentée et dans la solitude de petits groupes hétérogènes, déconnectés les uns des autres, ils n’ont bénéficié d’aucune aide des états démocratiques, les futurs alliés militaires de la seconde guerre mondiale. Quant à l’aide de l’Union Soviétique, elle fluctuera au gré des virages paradoxaux de la politique étrangère de Staline.
Durant les douze années de la dictature hitlérienne, la redoutable efficacité de la Gestapo aura raison de la plupart de ces acteurs de l’ombre. De nombreux autres motifs de découragement – dont principalement la durée de cette dictature et l’absence de l’élite intellectuelle massivement partie en exil – feront le reste.
On avance les chiffres de 130 000 morts en Allemagne, augmenté des 60 000 morts dans l’Autriche annexée, pour l’ensemble de la résistance allemande intérieure. Ils ont payé de leur vie leurs combats en marge d’une société largement ralliée à un régime nationaliste dont la promesse principale était de protéger le Reich des avatars de l’économie mondiale. La persécution des juifs se faisait au nom de la haine délirante d’une soi disante « ploutocratie » mondiale et sa volonté de détruire l’identité du peuple allemand. Les historiens allemands ont identifié le pouvoir nazi à une « dictature avec le peuple » où la résistance ne pouvait identifier en aucune manière les aides possibles de la population.
– On peut néanmoins définir comme la troisième résistance la part non négligeable de la société civile. Ce sont de nombreux anonymes isolés, mais aussi des mouvements spontanés informels, plus ou moins encouragés – sur le tard – par les Eglises, qui ont freiné, voire empêché l’action des nazis.
Une action emblématique de ce refus des exactions du nazisme par une fraction de la population allemande a été le « Rosenstraße-Protest » de 1943, un rassemblement devant l’immeuble berlinois de la Gestapo des épouses d’allemands juifs arrêtés qui n’a cessé qu’après la libération des prisonniers.
Mais, avant tout, ce sont les petits actes isolés de résistance passive – les grands oubliés de l’histoire – depuis les parents refusant l’embrigadement de leurs enfants dans la Hitlerjugend jusqu’aux nombreux déserteurs, en passant par les refus d’exécuter les ordonnances administratives, le refus de participer à l’exécution des ordres d’exécution de populations civiles, la protection de persécutés juifs, la distribution de nourriture aux prisonniers, les « disparitions » de dossiers de prisonniers voués à la déportation,…. Ces actes qui restaient isolés témoignent néanmoins de la survivance du courage civil d’acteurs qui s’exposaient ainsi aux plus grands dangers. La recherche historique commence à identifier ces civils ignorés qui ont opposé, dans leur sphère d’action immédiate, leur réflexe d’humanité à l’arbitraire nazi.
– Contrairement à ces formes de résistances incapables de provoquer et organiser le renversement du régime nazi, la quatrième résistance, très tardive, a été celle des « élites » : l’armée, l’aristocratie et les hautes sphères de l’administration. Avec la certitude de la perte de la guerre, l’instinct de conservation a poussé les couches dirigeantes à préparer la chute d’Hitler et « sauver les meubles » d’un régime qu’ils avaient d’abord contribué à consolider. Dans ces milieux, l’identification de complicités à l’intérieur même de l’appareil d’état et de l’armée était largement facilitée par les positions plus ou moins critiques, collectives et partagées, parfois même affichées, face à la nature « populaire » du régime nazi.
– Enfin, souvent oubliée, hélas peu reconnue par les allemands et la mémoire officielle de la République Fédérale, la cinquième résistance est celle de l’extérieur. Elle est pour l’essentiel constituée des combattants exilés de la guerre d’Espagne – qui ont renforcé les maquis français – d’une part et de l’autre des individus ou groupes d’individus qui se sont enrôles dans l’armée américaine (par exemple l’écrivain Stefan Heym), des exilés communistes en Union Soviétique engagés dans l’Armée Rouge, des soldats de la Wehrmacht qui ont changé de camp pour l’armée soviétique, d’autres encore qui ont participé à d’autres résistances armées (tels que Willy Brandt aux côtés de l’armée norvégienne).
Outre ces combattants, il faut mentionner la contribution non négligeable d’Allemands qui ont servi aux Etats-Unis, en Union Soviétique et en Angleterre aux missions de propagande radiodiffusée et imprimée, ainsi que, pour nombre d’entre eux, sur le front, à l’incitation à la désertion des combattants de la Wehrmacht (tractages, appels par haut-parleurs) et dans les camps à l’information et la rééducation des prisonniers de guerre. Parmi eux citons quelques figures emblématiques tels que Thomas Mann et Marlene Dietrich, mais aussi le NKFD (le Nationalkomitee « Freies Deutschland » / Comité National Allemagne Libre) sous la conduite de Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht.
Remarque : Certaines résistances ont beaucoup servi à la légitimation dans l’immédiat après guerre des nouveaux pouvoirs installés sous la protection des vainqueurs. Le réarmement de la BRD se référait à l’esprit de la conjuration de juillet 1944 et la résistance au fascisme était au coeur de la doctrine fondatrice de la DDR. De là s’en est suivi une surévaluation de certains mouvements ou personnes et la marginalisation, voire l’oubli, de part et d’autre du mur de Berlin, d’autres organisations et actions.
En guise de conclusion, un chiffre : pendant ces 12 années de régime nazi, il y eut plus de 40 tentatives d’attentat contre Hitler.
Autres chiffres qui indiquent l’ampleur quantitative de la Résistance allemande. Les statistiques des nazis mentionnent :
- plus de 200 000 personnes condamnées pour motifs politiques à des peines de prison,
- un million de personnes enfermées en camp de concentration (avec un mortalité élevée, probablement entre 20 et 30 %)
- plus de 30 000 condamnations à mort et exécutions (7 exécutions légales par jour). Ce chiffre est probablement très sous-estimés. Il faudrait en effet compter parmi les exécutés de droit commun un grand nombre d’acteurs politiques criminalisés (on ne saurait donc estimer le total des exécutions réellement politiques);
Télécharger le texte de Jean-Marie Tixier » La résistance allemande au nazisme «
Pour aller plus loin
DES SITES ET OUTILS DE RECHERCHE SUR LE NET :
– Un site spécialement consacré à la résistance allemande. Ce site ne se veut pas exhaustif, mais dresse un panorama de la Résistance allemande, avec une excellente et une liste de liens.
Aller sur le site Résistance allemandes online
– Le site gouvernemental Chemins de mémoire : pour trouver la rubrique consacrée à la résistance allemande, le plus simple est d’aller sur google, inscrire « Contre le nazisme, être résistant en Allemagne » dans la barre de recherche et le premier résultat est l’adresse de la page du site gouvernemental consacré à la résistance allemande.
Aller sur le site Chemins de mémoire
– l’article Wikipedia Résistance allemande au nazisme
– Recherche complémentaires sur Wikipedia : sur google.fr , inscrire Résistance allemande au nazisme dans la barre de recherche
– La page Wikipedia sur google.de : inscrire Widerstand gegen den Nationalsozialismus dans la barre de recherche ; sur cette page choisir la rubrique Widerstandsgruppen in Deutschland (plus complète que la page française, avec une liste exhaustive de tous les réseaux de résistance, chacun ayant sa propre page Wikipedia)
QUELQUES LIVRES
BREUER, Stefan, Anatomie de la Révolution conservatrice, MSH, 1996
JASPER, Willi, Hôtel Lutétia, un exil allemand à Paris, Ed. Michalson, 1995
KOEHN, Barbara,La résistance allemande contre Hitler. 1933-1945, PUF – Politique d’aujourd’hui 2003
LEVISSE-TOUZE, Christine, sous la direction de Stefan MARTENS, Des Allemands contre le nazisme, oppositions et résistances 1933-1945, actes du colloque du 27 au 29 mars 1996, Ed. Albin Michel, 1997
MERLIO, Gilbert,Les résistances allemandes à Hitler, Tallandier, 2003),
ROTHFELS, Hans, Die deutsche. Opposition gegen Hitler. Eine Würdigung, Fischer Verlag. 1958 (réédition par le Manesse-Verlag, 2002)
ROVAN, Joseph, Histoire de l’Allemagne des origines à nos jours, Ed. du Seuil, 1994
SANDOZ, Gérard, Ces allemands qui ont défié Hitler, Histoire de la Résistance allemande, Ed. Pygmalion, 1995
SCHOLL, Inge, La Rose blanche, Ed. de Minuit, 1955
STEINBACH, Peter, TUCHEL, Johannes, Widerstand in Deutschland 1933-1945, Beck, 1994; Lexikon des Widerstandes 1933-1945, Beck, 1994
STEINBACH, Peter, Widerstand in Widerstreit. Der Widerstand gegen den Nationalsozialismus in der Erinnerung der Deutschen, Schöning, 1994
TROIS ARTICLES DE REVUES
– Non à Hitler, oppositions et résistance contre le régime nazi, Revue des questions allemandes. N°2, 1994
– STEINBACH, Peter, La Résistance allemande contre le nazisme : l’opposition au régime, un symbole de l’autre Allemagne, Deutschland, revue sur la politique, la culture, l’économie et les sciences, N°3, juillet 1994
– MERLIO, Gilbert, « Y a-t-il eu une révolution conservatrice sous la République de Weimar ?», in Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, n°17, 1er semestre 2003).
+ un article du Monde
Du 05 09 08: Enfants de la » bonne Allemagne » (le télécharger ici : script scholl 05 09 08)
DEUX CENTRES DE RESSOURCES :
– Le Centre de Documentation et de recherche du Mémorial Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris – Musée Jean Moulin propose de nombreux documents et la possibilité de consulter la plupart des ouvrages cités ci-dessus.
23 allée de la 2e DB / Jardin Atlantique / 75015 Paris / Tél : 0 140 643 944 / http://www.paris.fr
– L’Institut Historique Allemand de Paris
Hôtel Duret-de-Chevry / 8 rue du Parc-Royal / 75003 Paris / Tél. 0 144 542 380 / http://www.dhi-paris.fr
Des mots clés
Pour étendre vos recherches sur les principaux acteurs de cette résistance, une liste alphabétique de noms et mots clés à inscrire dans la barre de recherches google.fr (la plupart de ces mots ou noms permettent de trouver des pages Wikipedia correspondantes) :
A
Alexander Schmorell
Attentats contre Adolf Hitler
Friedrich Aue
Walter Auerbach
B
Bendlerblock
Dagobert Biermann
Gottfried Graf von Bismarck-Schönhausen
Georg von Boeselager
Philipp von Boeselager
Dietrich Bonhoeffer
Leo Borchard
Prison de Brandenbourg
C
Wilhelm Canaris
Cato Bontjes van Beek
Cercle de Kreisau
Marianne Cohn
Communistes révolutionnaires d’Allemagne
Hans Coppi
Hilde Coppi
E
Église confessante
Horst von Einsiedel
Georg Elser
F
Erich Fellgiebel
David Frankfurter
Axel von dem Bussche-Streithorst
Hermann Frieb
Front noir
G
Fritz Gerlich
Eugen Gerstenmaier
Peter Gingold
Hans Bernd Gisevius
Carl Friedrich Goerdeler
Albert Göring
Willi Graf
Groupe d’Ehrenfeld
Hanno Günther
H
Theodor Haecker
Hans Bernd von Haeften
Arvid Harnack
Paul von Hase
Ulrich von Hassell
Herbert Herz
Caesar von Hofacker
J
Edgar Julius Jung
K
Kuno Kamphausen
Albrecht von Kessel
Johanna Kirchner
Erich Klausener
Ewald-Heinrich von Kleist-Schmenzin
Anneliese Knoop-Graf
Hans Koch
Otto Kühne
Kurt Huber
L
Julius Leber
Wilhelm Leuschner
Bernhard Lichtenberg
Liste de résistants allemands au nazisme
Martin Löwenberg
M
Helmuth James von Moltke
N
Neu Beginnen
Martin Niemöller
Nikolaus Gross
Nikolaus von Üxküll-Gyllenband
O
O5 (groupe de résistance)
Oncle Émile
Carl von Ossietzky
Hans Oster
P
Pirates Edelweiss
Erwin Planck
Johannes Popitz
Adalbert Probst
Christoph Probst
R
Franz Reinisch
Résistance allemande au nazisme
Josef Römer
Erwin Rommel
La Rose blanche
Rosenstraße
S
Hans Scholl
Sophie Scholl
Friedrich-Werner von der Schulenburg
Harro Schulze-Boysen
Libertas Schulze-Boysen
Ulrich Wilhelm Schwerin von Schwanenfeld
Walther von Seydlitz-Kurzbach
Berthold von Stauffenberg
Claus von Stauffenberg
Hellmuth Stieff
Karl Heinrich von Stülpnagel
T
Ernst Thälmann
Paul Thümmel
U
Robert Uhrig
Union européenne (groupe de résistance)
V
Marie Vassiltchikov
Adam von Trott zu Solz
W
Max Windmüller
Y
Peter Yorck von Wartenburg