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Du côté des clichés

L’invention des écoles publiques allemandes

24.6.2015 Du côté des clichés 0 Commentaire

Luther, Melanchthon, Pestalozzi et les autres.

Dites « école » à un Français et il vous répondra « Jules Ferry… Ecole publique, gratuite et laïque,…républicaine, peut-être aussi Charlemagne.

Souvent les Français voient l’école, au milieu de leur roman national, comme un des aboutissements de leur histoire révolutionnaire et comme modèle républicain dont un lointain arrière grand-père – Charlemagne – aurait peut-être préparé les bases.

Que répondrait un Allemand ? Y avait-il un Jules Ferry allemand ? Quelles sont donc les racines du système scolaire d’outre-Rhin ?

Certes, quelques Allemands érudits se souviendront que Charlemagne a favorisé et multiplié les écoles monacales datant du Ve siècle ap. J-C. Mais la légende du grand-père de l’école et sa barbe fleurie leur est étrangère. Quant à la naissance de l’école moderne, ni date, ni grand fondateur politique.

Par contre, il existe un document fondateur : la lettre ouverte que Martin Luther écrivit en 1524 à l’adresse des édiles communaux, les enjoignant de créer et financer des écoles primaires obligatoires pour filles et garçons, gratuites pour les pauvres.

En 1592 une première principauté allemande, le Duché du Palatinat-Zweibrücken, mit sa volonté en pratique. Puis vinrent, entre autres, Strasbourg en 1598, le Wurtemberg en 1559, la Saxe-Gotha en 1642, le Brunswick en 1647, la Prusse en 1717, la Bavière en 1771, l’Autriche en 1774… Progressivement tous les Etats allemands avaient donc imposé le régime de l’obligation scolaire (*), de manière inégale, avec des durées variables (de 6 à 8 ans). Mais, comme ailleurs en Europe (y compris en France) la résistance des sociétés rurales ont souvent réduit ces règles à de simples déclarations d’intentions.

Il existe cependant un parrain de l’école allemande : le compagnon de route de Luther, Philipp Melanchthon (1497-1560), théologien, philologue, humaniste et concepteur des premiers livres de classe. Surnommé « Précepteur des Allemands« , il est considéré comme le vrai père de la didactique de l’école allemande publique.

Le second parrain de l’école primaire allemande est Suisse : Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827). Ce théoricien de la pédagogie au Siècle des Lumières inspire guide toujours les enseignants allemands actuels (**).

Il préconisait l’enseignement des connaissances de base susceptibles d’aider chaque individu à progresser par lui-même et il s’est fortement impliqué dans l’instruction des couches sociales déshéritées, visant explicitement un enseignement pour tous, quelque soit la confession ou le statut social, en vue de créer des individus capables d’être des citoyens responsables.

En 1872, le prussien, Heinrich von Sybel, évoquant la défaite française de 1871, jugeait nécessaire que la France connût aussi « l’instauration de l’enseignement obligatoire pour tous selon le modèle allemand ; il ne faut pas dire que les connaissances transmises dans nos écoles primaires font des individus de grands érudits, mais il est de fait que cet enseignement général leur donne à tous le goût de juger par eux-mêmes et d’examiner avec circonspection« .

Jules Ferry avait-il lu ce pamphlet anti-français ?

Quant aux polémistes français actuels et autre tenants des « fondamentaux », n’auraient-ils pas intérêt à lire un peu de Pestalozzi ?… et comprendre pourquoi on ne peut pas faire « boire un âne qui n’a pas soif » (sic Pestalozzi), qu’il est donc impératif de provoquer la soif de savoir, au lieu de contraindre les enfants à ingurgiter des abstractions qui telles quelle ne sauraient les intéresser


(*) A ne pas confondre avec le principe français de l’obligation d’instruction qui n’oblige pas à la fréquentation de l’école publique.  Voir l’article de Wikipedia (en allemand) : Schulpflicht (Deutschland) – Wikipedia

(**) Ses écrits étaient sur la table de chevet du grand pédagogue français Célestin Freinet, un pédagogue français du début du 20e siècle et qui n’a toujours pas vraiment trouvé sa place, sauf à la marge, dans la manière de penser l’école et l’enseignement en France.


 


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