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Achives A propos...

…de la nou­velle ré­forme des col­lè­ges fran­çais

14.3.2015 Achives A propos... 12 Commentaires

Les conséquences catastrophiques du projet de réforme des collèges pour l’enseignement des langues

La ré­forme pré­voit la sup­pres­sion des clas­ses bi-lan­gues et eu­ro­péen­nes. Exit donc les bi­lan­gues an­glais-al­le­mand en 6e qui ont un temps sau­vé l’al­le­mand dans les col­lè­ges. En ef­fet, aux alen­tours de 2005, le nom­bre des jeu­nes ger­ma­nis­tes était tom­bé sous la barre fa­ti­di­que des 10 %. L’al­le­mand pas­sait ain­si dans la ca­té­go­rie des lan­gues d’en­sei­gne­ment di­tes « ra­res ».

Mais ce sont aussi toutes les langues qui vont pâtir. C’est au moment où il devient vital pour la France d’enfin s’ouvrir au monde avec une jeunesse qui sache communiquer et réussir en Europe que la diminution programmée de la compétence linguistique va cloîtrer plus encore les futurs élèves dans le traditionnel monolinguisme hexagonal.

Téléchargez et lisez l’excellente synthèse de l’ ADEAF (Association pour le Développement de l’Enseignement de l’Allemand en France)


Signez la pétition de l’ADEAF pour le maintien des bi-langues anglais-allemand en 6e des collèges


Téléchargez et lisez la lettre d’une enseignante de l’Académie de Toulouse, un témoignage concret de ce qui attend nombre d’enseignants d’allemand si ce projet de réforme (soit improvisée par des inconscients, soit imposée par les calculs de gestionnaires à qui les objectifs et la nécessité de l’enseignement des langues importent peu) est effectivement mise en oeuvre


 

Le mi­ra­cle des bi-lan­gues

Heu­reu­se­ment la den­si­fi­ca­tion de l’of­fre des clas­ses bi-lan­gues an­glais-al­le­mand avait fait re­mon­ter le nom­bre des ger­ma­nis­tes jus­qu’à près de 15 %. Ce qua­si dou­ble­ment mi­ra­cu­leux du nom­bre des élè­ves d’al­le­mand fai­sait même – ô pa­ra­doxe ! – crain­dre qu’avec la di­mi­nu­tion du nom­bre des pro­fes­seurs (dont la moyenne d’âge ac­tuelle de­vrait se si­tuer au­tour des 55 ans) on ris­quait de ne plus pou­voir ré­pon­dre à cette nou­velle de­mande sans cesse crois­sante.

Pa­ta­tras ! La nou­velle ré­forme sup­prime ce dis­po­si­tif et, pro­ba­ble­ment, bri­se­ra net l’élan de la suc­cess sto­ry in­at­ten­due de l’al­le­mand au col­lège.

Ce que change la sup­pres­sion des clas­ses bi-lan­gues

Bien sûr, a prio­ri, on pour­rait pen­ser que la gé­né­ra­li­sa­tion de l’avan­ce­ment de la se­conde lan­gue vi­vante en 5e de­vrait créer un ef­fet de « bi-lan­gue pour tous » dont l’al­le­mand ne pour­rait que pro­fi­ter. Jus­qu’ici l’avan­ce­ment de la se­conde lan­gue vi­vante jus­qu’en 6e – un an plus tôt donc – était un dis­po­sitif de sau­ve­tage de l’al­le­mand pour pré­ser­ver sa po­si­tion tra­di­tion­nelle de pre­mière lan­gue vi­vante au col­lège en con­cur­rence, puis dé­sor­mais en com­pa­gnie de l’an­glais. Mais cela ne con­cer­nait qu’une poi­gnée d’élè­ves des col­lè­ges… et tous les col­lè­ges n’of­fraient même pas une classe bi-lan­gue en 6e. C’était donc un choix des chefs d’établissements d’ou­vrir ou non – en fonc­tion des de­man­des éven­tuel­les – une classe bi-lan­gue.

Avec la nou­velle ré­forme, l’al­le­mand passe of­fi­ciel­le­ment dans la ca­té­go­rie des deuxiè­mes lan­gues vi­van­tes de l’en­sei­gne­ment fran­çais. La de­mande so­ciale en fa­veur de l’an­glais l’avait déjà mar­gi­na­li­sé avant l’ins­tau­ra­tion pas­sa­gère des clas­ses bi-lan­gues (cf. les pour­cen­ta­ges ci-des­sus). De plus, de­puis quel­ques an­nées, l’an­glais était éga­le­ment de­ve­nu une ma­tière sco­laire de base – au même ti­tre que l’arith­mé­ti­que ou l’or­tho­gra­phe – avec la gé­né­ra­li­sa­tion d’une pre­mière lan­gue étran­gère dès les pre­miè­res clas­ses du pri­maire qui ex­cluait de fac­to toute au­tre lan­gue en pri­maire (l’al­le­mand au­tre­fois pré­sent à près de 10% dans l’an­cienne for­mule de fa­mi­lia­ri­sa­tion aux lan­gues étran­gè­res en CM2 a qua­si­ment dis­pa­ru dans les cours pri­mai­res). L’obli­ga­tion de con­ti­nuer l’an­glais en 6e s’est ain­si im­po­sée à tous et, avec les clas­ses bi-lan­gues, on lui y avait juste gref­fé l’al­le­mand comme une sorte de pre­mière lan­gue-bis pour élè­ves sé­lec­tion­nés.

Les stra­te­gies du choix des lan­gues chan­ge­ront-el­les ?

Cer­tes le chan­ge­ment an­non­cé ne mo­di­fie­ra pas les stra­té­gies de choix des lan­gues au col­lège : pour­quoi l’es­pa­gnol, pour­quoi pas l’al­le­mand ? Et pour­quoi pas une au­tre lan­gue rare et sé­lec­tive ? L’es­pa­gnol, l’au­tre « lan­gue mon­diale », est la­tine, pro­che du fran­çais et répu­tée plus fa­cile à ap­pren­dre. L’al­le­mand, cette au­tre (10e) lan­gue mon­diale, est d’abord la se­conde lan­gue eu­ro­péenne, sou­vent pre­mière lan­gue com­mer­ciale et tech­ni­co-scien­ti­fi­que en Eu­rope. Mais, seule une mi­no­ri­té de pa­rents fran­çais sait que l’al­le­mand donne un plus pour réus­sir une car­rière pro­fes­sion­nelle, quelle qu’elle soit.

Bref, que chan­ge­rait donc la ré­forme à ces cri­tè­res de choix des pa­rents qui jouent un rôle si im­por­tant quand ils ins­cri­vent leurs en­fants en 6e. A prio­ri, rien du tout.

La per­mu­ta­tion des « dé­ci­deurs »

Mais le dia­ble se ca­che dans le dé­tail ! Avec la LV2 avan­cée en 5e, les pa­rents ne choi­si­ront plus en mi­lieu de l’an­née de CM2 les lan­gues de leurs en­fants pour la 6e !

Le choix se fera dé­sor­mais en classe, donc es­sen­tiel­le­ment par les in­té­res­sés eux-mê­mes, comme cela est déjà le cas pour la LV2 en 4e. Dans les co­hor­tes et au­tres clans d’élè­ves, l’es­pa­gnol des co­pi­nes et des co­pains joue­ra un rôle in­fi­ni­ment plus puis­sant que la vel­léi­té de quel­ques pa­rents am­bi­tieux ou clair­voyants.

Exit les pa­rents dans la stra­té­gie des choix. Ne res­te­ront plus que les ra­res pa­rents ger­ma­nis­tes et/ou ger­ma­no­phi­les à tout crin qui sau­ront im­po­ser leur abo­mi­na­ble dik­tat : « Tu fe­ras de l’al­le­mand, un point c’est tout« … De quoi dé­goû­ter dé­fi­ni­ti­ve­ment de l’al­le­mand, cette lan­gue si « dif­fi­cile » et si étran­gère, si ce n’est étrange, avec son der-die -das.

Une op­por­tu­ni­té pour nos as­so­cia­tions fran­co-al­le­man­des

La ques­tion ra­tion­nelle du choix de la se­conde lan­gue vi­vante, à sa­voir quelle au­tre lan­gue choi­sir en ac­com­pa­gne­ment de l’an­glais, reste en­tière. Mais une lan­gue se choi­sit plus par af­fect que par la rai­son.

L’ar­gu­ment ra­tion­nel du choix de l’al­le­mand ne tou­che­ra plus qu’une « clien­tèle » mar­gi­nale qui sait que la maî­trise de l’an­glais (l’es­poir d’une bonne note d’an­glais au bac) peut être fa­ci­li­tée par l’ajout d’une se­conde lan­gue ger­ma­ni­que ba­si­que qui per­met de mieux as­si­mi­ler les dif­fi­cul­tés in­trin­sè­ques de l’an­glais (les fa­meu­ses ex­cep­tions fa­ci­le­ment com­pré­hen­si­bles aux ger­ma­nis­tes).

Mais aux yeux de tous ceux qui vi­se­ront une vie pro­fes­sion­nelle où l’an­glais est de­ve­nu in­con­tour­na­ble, la maî­trise de deux lan­gues ger­ma­ni­ques pa­raî­tra d’au­tant plus in­té­res­sante que l’al­le­mand est l’au­tre lan­gue de l’éco­no­mie eu­ro­péenne (voire même en Chine, comp­te tenu du poids énorme des en­tre­pri­ses al­le­man­des et de leurs col­la­bo­ra­teurs dans ce pays).

Cette ra­tio­na­li­té sera mo­trice dès le choix d’une éven­tuelle LV3 dans les Ly­cées, plus en­core en­cours d’étu­des et sur­tout à l’âge adulte.

Il est fort à pa­rier que la de­mande d’al­le­mand des adul­tes va for­te­ment pro­gres­ser au cours des pro­chai­nes an­nées et que l’of­fre tra­di­tion­nelle ne pour­ra pas la sa­tis­faire.

C’est donc une for­mi­da­ble chance qui s’offre à nous de pro­fi­ler no­tre of­fre lin­guis­ti­que et cul­tu­relle au plus près de la de­mande !

 


12 Commentaires

  1. Hans Herth dit en

    Bonjour,

    Merci du compliment.

    Hélas, je crois bien que la chose est définitivement bouclée. Ca fait bientôt deux ans que les murmures autour de ce projet s’amplifiaient.

    La solution reste de défendre la LV1 allemand en 6e, contre vents et marées, c’est-à-dire contre l’anglais, aussi souvent que possible. Mais comme la règle exige la continuation de la langue du primaire, ce sera assez difficile. Certes la loi stipule que le choix de la langue est libre. C’est donc la loi contre la règle. Devant le tribunal administratif c’est toujours la loi qui gagne…. encore faut-il vouloir aller devant le tribunal administratif.

    Quand, localement, il existe une pression conjointe des entreprises, des élus, de la demande sociale (les parents) et des directeurs des écoles pour l’accueil des (rares) germanistes du primaire en 6e ou des chefs d’établissement pour créer un groupe d’allemand en 6e, ça marche. Mais sans ce consensus local, c’est très difficile de défendre la LV1. Encore faut-il avoir l’accord de l’inspecteur d’académie.

    Qui plus est, avec le nouveau « réservoir » des heures à la disposition des chefs d’établissement (sur le fond, c’est un bien) on va probablement voir fleurir les « options » alléchantes, y compris les plus fantaisistes, pour attirer des élèves en leur permettant d’échapper à la carte scolaire. Ce sera au détriment des langues non attractives.

    La solution (à très long terme) est aussi de rendre l’allemand plus « attractif ». Argumenter, faire « goûter » à la langue, faire de l’action culturelle autour des pays germaniques, promouvoir l’attractivité des pays germaniques en général (au niveau touristique par exemple), histoire de gagner un peu sur la masse des préjugés contre la langue. Car on ne choisit une langue qu’avec l’appui d’une charge affective positive. Il faut donc faire aimer l’allemand. Et là ce n’est pas gagné !

    • oliveira dit en

      Bonsoir si vous me permettez, et je pense parler au nom de nombreux collègues d allemand: que croyez vous que nous fassions au quotidien? Nous dépensons déjà une énergie folle entre passages dans toutes les primaires cm2 ; les voyages; les Quizz; le B1; les dates importantes à célébrer; le passage dans les 5e pour la lv2; les projets transdisciplinaires. … et j en passe…alors faire aimer la langue que j enseigne oui je le fais deja et mes classes se portent bien jusqu’à aujourd’hui. …cordi allemand. ..

      • Hans Herth dit en

        Cet article ne s’adresse pas aux professeurs et n’a pas nié la qualité, ni l’intensité de leur travail. Il s’adresse d’abord à notre lectorat principal, les membres de notre Fédération, c’est-à-dire les responsables et membres des associations de jumelage et associations franco-allemandes pour qu’ils se lèvent la peau du dos afin de promouvoir l’allemand et enrichir l’image du voisin allemand tant auprès d’un large public de parents qu’auprès des décideurs (dont les élus, les principaux de collège et inspecteurs d’académie…). Car vous ne pouvez pas nier qu’en dehors de vos classes et de votre rayon d’action, la société globale de son côté tourne de plus en plus largement le dos à l’allemand. Je tiens à votre disposition des études qui mesurent à quel degré l’allemand a mauvaise presse. Il faut donc faire quelque choses contre cette indifférence, voire cette hostilité. Sans les classes bi-langues, la priorité donnée à l’anglais poussera l’allemand en LV2 où il aura beaucoup de mal à s’imposer auprès des élèves face à l’espagnol. Si nous ne stimulons pas la demande sociale d’allemand en amont de l’école et avant même le moment où vous ferez votre travail auprès des élèves, si nous n’améliorons pas l’image de l’Allemagne et de l’allemand, la demande continuera de baisser inexorablement.
        Si vous avez lu autre chose dans cet article, je ne peux pas vous aider. Un correcteur noterait en marge de votre « copie » : n’a pas lu le sujet. Mais si vous pensiez que votre travail acharné pour défendre l’allemand suffira, c’est pire encore. Car, dans ce cas, vous seriez très, très naïf… ou un rêveur.

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  4. Hérard Josette dit en

    Quels efforts les allemands font-ils pour apprendre le français?
    La plupart apprennent aussi l’anglais.Le monde des affaires communique en anglais!
    Personnellement, je continue, à plus de 65 ans d’étudier l’allemand.
    Un site de référence très ludique, Busuu.com, très peu coùteux permet de se faire des amis pour parler, par skype ensuite; un autre site intéressant : yabla propose des vidéos qui permettent un bon travail. Je correspond chaque semaine avec des amis (ies) que j’ai connus par busuu; nous nous sommes rencontrés et notre amitié tient toujours.
    Pour les jeunes, beaucoup de chansons modernes sont proposées, que l’on peut imprimer puis apprendre puisqu’ avec yabla, on écoute autant de fois que l’on veut.

    • Hans Herth dit en

      Les bi-langues sont l’association (dans l’écrasante majorité des cas) de l’anglais et de l’allemand.Tout le monde doit apprendre l’anglais. Le problème dont il est question dans l’article n’est pas le choix entre l’allemand et l’anglais, mais le choix, après l’anglais, de la seconde langue. Si on supprime la bi-langue anglais + allemand en 6e et si l’allemand se retrouve ainsi en concurrence avec l’espagnol en langue vivante 2 en 5e, laissé au choix des élèves, c’est l’espagnol qui va tuer l’allemand (comme cela était déjà le cas avant l’introduction des bi-langues que l’on projette maintenant de supprimer). Pour ce qui est des statistiques, : avant l’introduction des bi-langues, l’allemand était en chute et tombé à moins de 9 % de germanistes. Depuis l’introduction des bi-langues le pourcentage est remonté à 15 % environ. Le pourcentage des élèves allemands qui étudient le français serait encore au dessus de 20 % (mais sans garantie ; en tout cas il est au-dessus du chiffre des germanistes en France).

    • Figenwald Gisèle dit en

      Faux…..les Allemands parlent parfaitement le français et beaucoup plus que l’inverse. En plus ils le parlent bien……
      On nous tanne avec François Hollande et Angela Merkel…..ils feraient bien de se réveiller.L’amitié commence par comprendre et parler la langue de l’autre.

      • Hans Herth dit en

        Mon chiffre était peut-être inexact (« sans garantie » est-il écrit), mais ce « faux » péremptoire est exagéré. Entretemps nous avons reçu le chiffre officiel de la République fédérale : en 2012 ils étaient 26 % des élèves du secondaire allemand à étudier le français. Comme dit, encore supérieur à 20 %… Jusqu’à quand ? La concurrence de l’espagnol et… du latin est très vive chez les candidats à l’apprentissage d’une langue romane.


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