Fédération des Associations Franco-Allemandes pour l’Europe
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Thématiques franco-allemandes

La culture dans le franco-allemand

Si le Traité de l’Elysée, il y a plus de cinquante ans, a jeté les bases de l’amitié franco-allemande, il est évident que les relations entre la France et l’Allemagne ont extrêmement changé.

Aujourd’hui il n’est plus question de réconciliation, c’est fait depuis longtemps. Pour les jeunes générations, il est tout simplement inimaginable que l’autre pays soit vu comme un ennemi.

Deux manières différentes de voir Germania (Philipp Veit / 1793-1877)

Deux manières différentes de voir Germania (Philipp Veit / 1793-1877)

Cette normalisation implique un changement d’orientation pour l’action de nos associations. Cette réalisation ne date pas d’hier, et bon nombre de comités de jumelage se sont adaptés à cette nouvelle donne, proposant diverses activités destinées à favoriser les liens entre les habitants des villes partenaires.

Le choix de la thématique de la culture comme fil conducteur de notre prochain congrès à Dijon (du 10 au 12 octobre 2014) poursuit ce qu’on peut considérer comme un redéploiement. Il s’agit pour nous de miser sur la culture pour « ré-enchanter » nos relations bilatérales et approfondir nos relations avec notre voisin en le faisant mieux connaître.

Mais, la culture est un domaine très vaste aux contours flous. C’est pourquoi nous avons essayé de systématiser cette approche en évoquant une palette de thèmes culturels (parmi lesquels des exemples de ce qui se fait déjà ici ou là) susceptibles de nourrir les projets : thématiques historiques, artistiques, politiques, économiques, sociales ou ludiques,…

C’est loin d’être exhaustif et n’attend que les contributions des uns et des autres pour former un panorama de nos activités culturelles actuelles et futures. 


Le château fort des Hohenzollern sur sa colline dominant  la petite ville de Hechingen

Le château fort des Hohenzollern sur sa colline dominant la petite ville de Hechingen

L’approche du patrimoine artistique (littérature, théâtre, musique, architecture,…) de part et d’autre de la frontière.

Schwäbisch Hall, typique du patrimoine d'Allemagne du Sud

Schwäbisch Hall, typique du patrimoine d’Allemagne du Sud

Si le rôle de la mémoire joue un rôle considérable en cette période de commémoration de la Grande Guerre, il ne fait guère de doute que la notion de culture évoque, pour la plupart d’entre nous, en premier lieu la richesse de notre patrimoine artistique. Il est vrai que peu de pays peuvent se targuer de posséder autant d’éminents représentants dans les différents domaines de l’art.

Si l’Allemagne est notamment connue pour ses grands philosophes et ses compositeurs de renom, la France pour sa littérature et ses monuments et palais.Ce qui ne veut pas dire que la littérature ou le patrimoine architectural serait absents en Allemagne et la musique ou la philosophie en France, loin de là. Il y a donc bien des choses à faire connaître de part et d’autre.

 

Theodor Fontane (1819 - 1898), un très grand parmi les auteurs allemands, représentant du réalisme poétique… Qui le connaît en France ?

Theodor Fontane (1819 – 1898), un très grand parmi les auteurs allemands, représentant du réalisme poétique… Qui le connaît en France ?

Ces multiples richesses dans nos deux pays n’ont pas existé sans se côtoyer. La curiosité pour le grand voisin a toujours existé . Citons, pour l’histoire, le voyage de Madame de Staël en Allemagne au début du 19ème siècle et l’admiration que Heinrich Heine vouait, guère plus tard, à la France et à sa culture. Cet intérêt ne s’est pas tari : Ulrich Wickert (Vom Glück, Franzose zu sein) Karl Heinz Götze (Süßes Frankreich), Gabriele Kalmbach (Kulturschock Frankreich), trois auteurs parmi des dizaines qui chantent les attraits culturels de la France, auxquels répondent, de l’autre côté du Rhin, Michel Meyer (Le roman de l’Allemagne : Ou l’histoire secrète d’une renaissance) et Alain Minc (Vive l’Allemagne) qui font l’éloge de l’Allemagne.

"Vom Glück, Franzose zu sein" de Ulrich Wickert, journaliste allemand qui dirigea plusieurs années durant l'antenne parisienne de la 1e chaîne de télévision allemande ARD

« Vom Glück, Franzose zu sein » de Ulrich Wickert, journaliste allemand qui dirigea plusieurs années durant l’antenne parisienne de la 1e chaîne de télévision allemande ARD

Et il n’est pas étonnant de constater, dès lors, que nos associations de jumelage se saisissent de cette manne abondante pour tisser des liens entre nos peuples, à l’instar des nombreux visiteurs allemands qui visitent le Louvre ou des visiteurs français, guère moins nombreux, qui s’intéressent aux musées de Berlin ou de Munich. Les exemples qu’on peut relever ici et là abondent : des concerts à quatre mains, deux allemandes et deux françaises, des pièces de théâtre jouées ensemble, des expositions sur la peinture française et allemande d’un même mouvement artistique, tant il est vrai que les peintres – impressionnistes, expressionnistes – et les écrivains – romantisme, expressionnisme – se sont inspirés mutuellement.

Le tableau iconique du Romantisme allemand de Caspar David Friedrich (1818)

Le tableau iconique du Romantisme allemand de Caspar David Friedrich (1818)


La connaissance des structures politiques, économiques et sociales du pays voisin

Pour bien connaître un pays, la maîtrise de la langue ne suffit pas, même d’avoir entendu parler de son patrimoine artistique ou d’avoir participé au carnaval de Cologne ne donne qu’un aperçu partiel de la richesse de l’autre. Il faut aussi comprendre comment fonctionnent les systèmes du voisin. Nous savons, ou nous croyons savoir, que la France et l’Allemagne sont très différentes, mais rares sont ceux qui mesurent l’ampleur des divergences entre nos deux pays.

La France est un pays centralisé, l’Allemagne un pays fédéral, avec tout ce que cela implique comme différences. Sait-on que la police ou l’école dépendent de chaque Land en Allemagne, ce qui conduit à un foisonnement de systèmes et de méthodes qu’on ne compare que difficilement ?

Les 16 Länder de la république fédérale d'Allemagne

Les 16 Länder de la république fédérale d’Allemagne

 

Le siège de Würth, leader mondial de la visserie, une de ces entreprises moyennes qui oeuvrent dans l'ombre à la puissance industrielle de l'Allemagne

Le siège de Würth, leader mondial de la visserie, une de ces entreprises moyennes qui oeuvrent dans l’ombre à la puissance industrielle de l’Allemagne

Mesure-t-on ce qui sépare un comité d’entreprise en France d’un conseil d’entreprise en Allemagne aux pouvoirs de cogestion étendus ? Peut-on comparer le tissu industriel des deux pays : grandes entreprises multinationales en France, PME de taille intermédiaires puissantes et exportatrices en Allemagne ?

Français et Allemands se comprendraient mieux s’ils étaient conscients de ces différences énormes, certes induites par l’histoire, mais qui façonnent notre vie aujourd’hui, que ce soit à l’école, au travail, pendant nos loisirs ou par leur impact sur notre participation à la vie politique. Les comités de jumelage, de par leurs contacts et leur meilleure connaissance du voisin sont bien placés pour contribuer à renforcer les liens culturels entre nos pays dans ces domaines aussi. Les conférences que certaines associations organisent déjà s’y prêtent particulièrement bien. Par exemple : les atouts et les faiblesses du système scolaire allemand, qui tente d’expliquer la remontée de la qualité des performances des élèves allemands après les résultats très décevants de la première enquête PISA en 2000 – et le déclin parallèle de ces mêmes résultats en France. Un autre exemple est celui des conférences organisées par le comité de jumelage du Chesnay, qui va mettre une série de conférences sur les chanceliers allemands à son programme, avec, en premier, une conférence sur Angela Merkel à l’automne 2014.

N’oublions pas que la FAFA met à votre disposition une liste de thématiques qui portent sur un grand nombre d’aspects relevant de la connaissance de nos deux pays.


Les fêtes, le folklore et les coutumes locales en France et en Allemagne

Quand on dit à juste titre que la culture renforce les liens et la connaissance du pays voisin, on ne parle pas seulement de Victor Hugo et de Goethe ou de Beethoven et de Saint-Saëns. La notion de culture embrasse aussi des activités ludiques qui attirent petits et grands. Les Français aiment faire la fête, les Allemands aussi, mais peut-être pas de la même manière.

Les Allemands fêtent aussi la nature : une affiche pour une fête locale de la floraison de printemps

Les Allemands fêtent aussi la nature : une affiche pour une fête locale de la floraison de printemps

Les Allemands fêtent Noël le 24 décembre au soir, les Français le 25 au matin, mais la bonne chaire est de rigueur dans les deux pays. En France, c’est le vin qui est à l’honneur, en Allemagne la bière – on ne compte plus le nombre de Français qui se rendent à l’Oktoberfest à Munich – mais la curiosité des Allemands est vive aussi, quand il s’agit de goûter à la bière en France, comme ils l’ont montré par exemple lors de la fête du folklore et de la bière organisée en 2013 à Hazebrouck, en Flandre, ville jumelée avec Porz en Bavière.

Si les coutumes locales ne sont pas les mêmes, l’envie de les connaître n’en est que plus grande : participer au carnaval ou à une fête de musique locale avec costumes traditionnels rapproche les partenaires, même au-delà de la maîtrise de la langue de l’autre.

Les Allemands adorent les fêtes de rue… Tous les prétextes sont bons

Les Allemands adorent les fêtes de rue… Tous les prétextes sont bons

Cette thématique peut être exploitée de différentes manières : par des films, des expositions, des voyages, ou des fêtes organisées par des comités de jumelage sur place, comme celle de la St Nicolas organisé à Viroflay le 6 décembre, qui a réuni près de 300 personnes autour de vin chaud épicé, petits gâteaux allemands et ateliers de bricolage. Le spectacle sur la véritable histoire de St Nicolas, spécifiquement destiné à un public d’enfants, a permis d’attirer vers le franco-allemand un public jeune.

Cette thématique des fêtes, du folklore et des coutumes locales se prête particulièrement bien à ce qui doit être une de nos priorités : renouveler et rajeunir notre public.


"Englischer Garten" à Munich Skyline  (Photo Ludmiła Pilecka)

« Englischer Garten » à Munich Skyline
(Photo Ludmiła Pilecka)

Cultures de jardins, jardins cultivés

Royaux, princiers, monastiques et de curés, bourgeois et ouvriers, oeuvres d’art ou lieux de production,… peu importe, les jardins sont toujours une expression vivante (et en trois dimensions) d’une société, de son rapport à la nature, de sa façon de concevoir le rapport entre l’homme et la nature, entre les hommes et les hommes, voire entre les hommes et les femmes.

Spécial thématique d’actions communes :

Fried Nielsen, Ministre Conseiller Affaires culturelles auprès de l’Ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne à Paris envisage de lancer une opération Garten(T)räume – Gartenkultur 2014-2017 consacrée aux multiples facettes de la culture européenne des jardins. Nos associations seront sollicitées à imaginer leurs contributions. Nous y consacrerons prochainement une rubrique spécifique.

Jardin du Luxembourg à Paris (Photo Gambirob)

Jardin du Luxembourg à Paris (Photo Gambirob)

L’art du jardin, la façon de cultiver les plantes et d’en agencer les rapports, c’est de la culture, peut-être même la première marche de la dialectique nature-culture, la première affirmation culturelle de l’homme.

Un jardin familial à Tourcoing (Photo Jamain)

Un jardin familial à Tourcoing (Photo Jamain)

Les jardins sont des lieux d’échange entre les hommes : jardins mondains des grands règnes mondains ou jardins familiaux de nos espace périurbains, on s’y rencontre, on y fête, on y mange, on y joue et on y apprend.

La méditation, elle aussi, est dans le jardin. Il peut même être conçu comme le lieu privilégié où se retrouver avec soi et apaiser le questionnement métaphysique qui nous agite.

Enfin, on y cultive notre forme physique : jogging, balançoires, badminton, tai-chi, gymnastique et corps inondés de soleil… la santé est dans le jardin.

Tous nos jardins, allemands et français, racontent tant de choses sur nos deux sociétés, les différences et les ressemblances, nos rapports respectifs à l’ordre/désordre du monde.

Jardin en Bavière

Jardin en Bavière

Ordre et désordre

Le jardin peut être oeuvre d’art.

Jardin du petit Luxembourg à Paris (Photo Chatsam)

Jardin du petit Luxembourg à Paris (Photo Chatsam)

L’Art contemporain a inventé le « land art ». Ses représentants usent du cadre et des matériaux qu’offre la nature (bois, terre, pierres, sable, rocher, etc.) pour créer et agencer des formes, des volumes, des couleurs et des espaces.

Pourtant, c’est une vieille histoire : jardins à l’italienne ou à l’anglaise, la façon de concevoir le jardin révèle une société et comment elle conçoit sa façon de voir tantôt sa maitrise, tantôt sa coexistence avec la nature et ses lois.

Les uns ont mis le monde en ordre, selon le principe de l’autorité de l’homme sur la nature et la nécessaire fabrication d’une harmonie universelle qui nous délivre du chaos. Les autres ont le souci de re-produire la nature, de lui rendre sa place et d’y provoquer l’harmonie de l’aléatoire.

Pouvoir des hommes ou de la nature ?

Parterre du Midi, jardins de Versailles (Photographie  Georges Puissant)

Parterre du Midi, jardins de Versailles (Photographie Georges Puissant)

Revenu en force avec la Renaissance italienne et un certain optimisme humaniste, la France classique a fait des grands jardins royaux l’expression symbolique par excellence de l’autorité de l’homme sur la nature. Du centre d’un bassin circulaire jaillit un jet qui nous rappelle à quel point les régnants disposaient du pouvoir de nous redistribuer l’essentiel.

Jardin de Stourhead (Photo Hans Bernhard/Schnobby)

Jardin de Stourhead (Photo Hans Bernhard/Schnobby)

Le jardin anglais naît durant la première moitié du 18e siècle du premier refus des effets de l’industrialisation et de l’artificialisation croissante de notre environnement. Il multiplie les plans d’eau aléatoires, les clairières et les bosquets sauvages. On y dispose des tombes et des fausses ruines. Il est le lieu d’une pratique spirituelle à la recherche d’une harmonie de l’ego nostalgique avec une nature qui le domine, source de menaces et de pouvoirs mystérieux

Avant cela, cette nature – tantôt aimable, tantôt déchaînée – était déjà au centre des paysages des peintres du nord – flamands, hollandais et allemands – comme des paysagistes classiques à Rome au 17e siècle.

Dans la peinture classique la nature et le jardin se mêlent pour faire décor au théâtre des destins humains exemplaires. Mais déjà les deux façons de concevoir la nature et les jardins – nature domestiquée ou jardin nature – s’y manifestent : chez Brill la nature est active et on peut y sentir le vent agiter la nature, chez Poussin ou Le Lorrain la nature nous semble immuable, comme désincarnée et inactive pour magnifier pleinement nos héros de légendes.

Claude Lorrain (1604/1605–1682)

Claude Lorrain (1604/1605–1682)

Suivre la nature ou l’agencer ? Nature agissante ou action sur la nature… la rencontre dans nos jardins respectifs nous permettrait de méditer et d’échanger sur nos sociétés respectives, d’en faire un moyen supplémentaire pour accéder à la compréhension de l’autre.


Quelques liens vers des sites qui permettent d’explorer les jardins allemands :

– Die Deutsche Gesellschaft für Gartenkunst und Landschaftskultur e.V. (Société allemande pour l’art des jardins et la culture des paysages)

Schlösser und Gärten in Deutschland (Châteausx et jardins enAllemagne)

– Les jardins en Allemagne sur le site Centrale du Tourisme Allemand (DZT)

Gartenlinksammlung : Une collection de liens utiles

– Le site de la prochaine « Gartenschau », la grande exposition florale 2014 à Schwäbisch-Gmuend


La gastronomie

Qui n’a pas fait l‘expérience de diner en famille en Allemagne et de s’étonner de la façon dont sont présentés les repas ? Ou d’aller au restaurant, et là , si on n’est pas familier des plats typiques tels que les « Klöße » ou le « Wirsing », d’ être surpris , en bien ou en mal selon le cas ? Mais ce n’est pas seulement la cuisine qui diffère. Les repas ont une organisation, voire une fonction différente en France et en Allemagne.

Petit déjeuner allemand

Petit déjeuner allemand

En Allemagne, le petit déjeuner est copieux et le déjeuner, le repas principal de la journée, est pris relativement tôt, souvent vers midi. Si, en France, les plats se succèdent, en Allemagne, on présente les différentes éléments ensemble sur la même assiette. Le soir, la plupart des Allemands se contentent d’un repas froids, du pain, de la charcuterie et du fromage, alors que c’est le moment où les Français se mettent vraiment à table pour un dîner consistant. Ces différences se constatent aussi lors des invitations. Alors qu’en France, on aurait tendance à inviter ses amis à dîner, les Allemands invitent plutôt à un verre de vin ou une bière. Outre-Rhin, le repas est moins vu comme un lien social qu’en France.

Dans un café, un choix  "Torten" allemandes en vue de la sacro-sainte heure du "Kaffee-Kuchen"

Dans un café, un choix « Torten » allemandes en vue de la sacro-sainte heure du « Kaffee-Kuchen »

Pour nos comités de jumelage, la question serait comment mettre en musique ces différences culturelles pour permettre une meilleure connaissance de l’autre. Les exemples glanés ici ou là montrent une grande inventivité de nos associations. Une telle invite les Allemands à la fête du vin, alors que ces derniers les convient à leur fête de la bière.

Inconnu en France : l'association bière  + alcool blanc (ici avec du fromage

Inconnu en France : l’association bière + alcool blanc (ici avec du fromage

Plus originale, l’initiative du comité de jumelage ACLE (Lille – Cologne – Erfurt), dont quelques membres se sont rendus à Cologne en novembre 2013 pour participer à un atelier culinaire où a été confectionné un repas de fête qui mêlait plats français et allemands. Autre initiative, aussi originale, la collecte de cartes de restaurants allemands qui éclairent les Français sur les secrets de la cuisine allemande.

La gastronomie est une partie intégrante de la culture d’un pays. De plus, les moments conviviaux passés autour d’un bon repas servent, comme peu d’autres éléments, de liant entre les peuples.

Charcuteries en massepain (Marzipan)… typisch deutsch !

Charcuteries en massepain (Marzipan)… typisch deutsch !

Voir aussi la page consacrée à la Gastronomie allemande


Au-dessus de la mêlée, le rôle de la mémoire dans le franco-allemand

Pour quatre ans, la mémoire commune des Français et des Allemands sera grandement sollicitée par la commémoration du centenaire de la Grande Guerre. Dans ce cadre, les sujets culturels à traiter seront nombreux.

Au dessus de la mêlée, deux grandes voix de la littérature mondiale, contemporains aux événements qui ont si profondément marqué notre continent, deux admirateurs fervents de la culture du voisin avaient déjà déroulé le fil qui devrait conduire notre mémoire, à savoir le dépassement de nos appartenances.

Romain Rolland (1866-1944) et Hermann Hesse 1877-1962) aiment tous deux leurs pays, la France et l’Allemagne, mais au-dessus de cet amour très légitime, ils découvrent tous deux l’amour pour l’humanité. Ils se donnent la main pour montrer à leurs contemporains la stupidité de la guerre et ses conséquences néfastes.

Hermann Hesse (1877-1962)

Hermann Hesse (1877-1962)

Dans ses « Betrachtungen » de septembre 1914, voilà le cœur du sujet, Hermann Hesse écrit : « Goethe n’a jamais été un mauvais patriote. Mais au-dessus de la joie d’appartenir au monde germanique qu’il connaissait et aimait plus qu’aucun autre, il y avait la joie d’appartenir à l’humanité entière. »

Romain Rolland (1866-1944)

Romain Rolland (1866-1944)

En 1953 le journal de guerre de Romain Rolland est publié. Sa vraie pensée : déplorant le choc des peuples les plus civilisés, il voulait « au-dessus de la haine » (c’était le titre primitif) rappeler dans les deux camps les valeurs qui auraient dû unir les belligérants.


Les mouvements migratoires franco-allemands réciproques depuis la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 et jusqu’en 1945

Des Allemands en France, des Français en Allemagne, en dehors des armées de Louis XIV, de Napoléon, de Bismarck ou d’Hitler, qu’est-ce que cela représente ? Infiniment plus, dans tous les domaines, que des invasions guerrières. Au cours des trois derniers siècles, la France et l’Allemagne ont été le lieu de départ ou de refuge de cinq grandes vagues d’émigration d’un pays vers l’autre, mettant en branle des centaines de milliers d’individus qui se sont établis chez leurs voisins et ont transplanté de part et d’autre du Rhin une partie de leurs coutumes, de leur culture, de leurs savoir-faire.

En ce qui concerne les deux phases de l’exil français, ce sont d’abord les Huguenots, qui quittent la France de Louis XIV pour s’établir en Allemagne, après la Révocation en 1685.

Le Gendarmenmarkt avec le "Französicher Dom" à Berlin qui était aussi la capitale des huguenots d'Allemagne (peint par Eduard Gaertner, "Gendarmenmarkt im Winter"  / huile sur toile de 1857)

Le Gendarmenmarkt avec le « Französicher Dom » à Berlin qui était aussi la capitale des huguenots d’Allemagne (peint par Eduard Gaertner, « Gendarmenmarkt im Winter » / huile sur toile de 1857)

Un siècle plus tard, sous la Révolution, ils seront suivis par les partisans de l’Ancien Régime, notamment beaucoup d’aristocrates, qui se réfugient de l’autre côté du Rhin, pour préparer la reconquête de leurs positions.

En même temps que la seconde vague française, pendant la Révolution, des républicains allemands sont attirés par l’évènement. Le 19ème siècle a vu un grand déplacement d’artisans et d’ouvriers sans travail, venant s’établir en France. Enfin, sous le IIIème Reich, des persécutés sociaux et politiques, fuient la terreur nazie. Voilà pour les trois phases de l’exil allemand.

La tombe de Carl Ludwig Börne (1786-1837) au Père Lachaise à Paris. Journaliste et écrivain, il se réfugia à Paris (rénovée en février 2014 par l'Ambassade de la République fédérale d'Allemagne)

La tombe de Carl Ludwig Börne (1786-1837) au Père Lachaise à Paris. Journaliste et écrivain, il se réfugia à Paris (rénovée en février 2014 par l’Ambassade de la République fédérale d’Allemagne)

Nota bene : Parmi les républicains réfugiés à Paris au début du XIXe siècle, Carl Ludwig Börne, aujourd’hui oublié, fut l’un des plus populaires. Sa tombe avait été financée par souscription et les bronzes (son buste et le bas-relief) ont été exécutés par le célèbre  David d’Angers. Carl Ludwig Börne figure parmi les pères visionnaires de l’amitié franco-allemande. Le bas-relief représente Germania et Marianne (symboles de l’Allemagne et de la France), se donnant fraternellement la main par l’intermédiaire de la «Liberté» personnifiée. L’Ambassade de la République fédérale d’Allemagne a honoré sa mémoire en faisant rénover sa tombe en février 2014 / voir information du CIDAL)