Achives A propos...
A propos de la Journée de l’Europe et de l’amitié franco-allemande
Au moment où le gouvernement français projette se sacrifier l’enseignement de l’allemand sur l’autel d’une réforme – plus politique que bien réfléchie – de son enseignement secondaire, il est plus urgent que jamais de rappeler avec force le rôle fondamental que joue notre partenariat franco-allemand dans la construction de l’Europe… et pour lequel il nous faudra disposer d’un plus grand nombre de bilingues franco-allemands que nous n’en disposons actuellement.
Nous avons donc choisi de reproduire ici une allocution prononcée ce jour du 8 mai, veille de Journée de l’Europe, qui a valeur d’exemplarité par sa clarté et sa concision.
A lire, éventuellement relire,… en tout cas à méditer au moment où le projet de réforme évoqué ci-dessus installe le malaise.
Allocution de bienvenue prononcée ce 8 mai 2015 à Cabourg par Axel Schäfer, membre du Bundestag et Vice-Président du Mouvement Européen Allemagne, à l’occasion de la fête de l’Europe organisée par Madame Mabire de la section de Cabourg du Mouvement Européen).
Chère Madame la Présidente Mabire,
Chère Madame la Députée Ameline,
Cher Monsieur Laderriere, Vice-Président du MEF France,
Cher Monsieur de Lobkowicz,
Cher Monsieur Standke, Président d’honneur du MEF, Section de Cabourg
Mesdames, Messieurs,
C’est pour moi une vive joie et un très grand honneur de pouvoir prononcer devant vous ce soir, à l’occasion de la « Fête de l’Europe », ce mot de bienvenue.
Cent ans après le début de la Première Guerre mondiale et soixante-dix ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ces deux conflits terribles qui ont opposé l’Allemagne et la France, l’amitié franco-allemande est un moteur de la politique européenne. Elle est non seulement unique au monde par son intensité, elle est aussi indispensable : pour chacun de nos deux pays, mais aussi pour toute l’Europe.
J’aimerais à ce propos vous faire part de deux idées, dont j’estime qu’elles sont non seulement le fondement, mais aussi l’avenir du partenariat franco-allemand.
Premièrement : le partenariat franco-allemand est le moteur politique, social et économique de l’Europe.
L’Allemagne et la France sont membres fondateurs de l’Union européenne. Ensemble, elles représentent près du tiers de sa population, produisent plus du tiers de son PIB et financent son budget à hauteur d’un tiers environ. Nous sommes persuadés que l’UE est bien plus qu’un simple marché intérieur. La compétitivité et la cohésion sociale sont les deux faces d’une même médaille.
Ce poids commun – démographique, social, économique et politique – investit nos deux pays d’une responsabilité tout à fait singulière : ensemble, nous devons préserver la stabilité du noyau de l’Europe. En effet, si le noyau se délite, c’est notre continent tout entier qui risque, tôt ou tard, de se disloquer, certains pays dérivant vers le Nord ou vers le Sud, vers l’Est ou vers l’Ouest. L’Allemagne et la France doivent rester unies afin de s’opposer à ces forces centrifuges qui écartèlent l’Europe.
Dans de nombreux États membres de l’UE, les partis eurosceptiques et populistes de droite
sont actuellement en progression. En France, vous connaissez ce problème, avec la montée du Front national. En Allemagne aussi, certains partis font ouvertement campagne contre l’UE et, dans leur chasse aux électeurs, attaquent violemment les acquis essentiels du processus d’unification européenne, comme la libre circulation des travailleurs. Avec leurs slogans simplistes, ces partis désignent l’Europe comme bouc émissaire, en donnant l’impression qu’elle serait responsable de tous nos problèmes. Cette impression, nous devons nous y opposer avec de bons arguments dont, heureusement, nous sommes loin de manquer.
Deuxièmement : la coopération franco-allemande est importante et nécessaire, non parce que nous nous ressemblons tant, mais parce que nous sommes si différents.
Permettez-moi de citer quelques exemples qui montrent que l’Allemagne et la France sont vraiment des partenaires très différents. L’Allemagne est un État fédéral composé de seize États fédérés, la France est en revanche un État unitaire. L’Allemagne compte de très nombreuses petites et moyennes entreprises, en France, les grands groupes sont beaucoup plus présents. En Allemagne, la croissance repose beaucoup sur les exportations, tandis qu’en France, la consommation intérieure tient une place plus importante. Les Allemands ont tendance à faire confiance à des institutions indépendantes, qui se tiennent au-dessus des contraintes réelles ou supposées de la politique, comme la Bundesbank. En France, c’est le président, élu directement par la population, qui incarne la plus haute autorité politique. En France, l’État est aussi entrepreneur, alors qu’en Allemagne, c’est plutôt l’exception. En Allemagne, nous avons peur de l’inflation, la France craint en revanche la déflation.
Il est dans la nature des choses que ces différences de système politique, de vie économique ou de perception des problèmes se traduisent forcément par des positions différentes. Pourtant, considérer nos positions de départ différentes comme des obstacles à notre relation, c’est se méprendre sur la nature des rapports franco-allemands. En effet, même si, au départ, certaines positions peuvent être très divergentes, même sur des questions clés comme l’union bancaire ou l’attitude à adopter face à la crise économique et financière, c’est toujours en fin de compte la volonté politique de surmonter ces contradictions et de parvenir à une position franco-allemande commune qui s’impose.
Un tandem ne peut avancer que si les deux cyclistes pédalent avec la même énergie et veulent aller dans la même direction. À cet égard, on a presque toujours pu compter sur le tandem franco-allemand !
C’est cette capacité de compromis qui rend les relations franco-allemandes si particulières et notre coopération si précieuse pour l’Europe. En effet, l’expérience le montre sans cesse : quand l’Allemagne et la France trouvent un compromis, il constitue aussi généralement un bon point de départ pour parvenir à un compromis à l’échelle européenne.
L’Allemagne et la France ont toujours voulu être des bâtisseurs de ponts en Europe. Pour nous, nous limiter à serrer les mains de personnes partageant les mêmes opinions que nous n’a pas de sens. Nous voulons aussi aller vers ceux qui sont d’un autre avis et chercher avec eux les meilleures solutions. Quelles que soient les contradictions, il faut surmonter les divisions en camps différents. En effet, nul besoin d’être un analyste politique habile pour comprendre que la division en camps, avec la France et ses partenaires d’un côté, l’Allemagne et ses partenaires de l’autre, conduirait l’UE dans l’impasse.
Plus que jamais, l’Europe a besoin du tandem franco-allemand. Nous sommes à la veille d’épreuves décisives. L’Europe unie doit rester stable et prospère, aussi pour les générations futures, et, pour cela, nous devons faire avancer les réformes. Ici aussi, l’Europe attend une contribution de l’Allemagne et de la France : par exemple pour la création d’une union économique sans laquelle une monnaie commune ne pourra jamais connaître de réussite durable.
Le chômage, en particulier celui des jeunes, atteint un niveau intolérable dans de nombreux pays de l’UE. C’est un domaine où l’Europe est tout particulièrement sollicitée, car nous ne pouvons pas nous permettre de laisser inexploités le talent, la créativité et l’esprit d’entreprise d’innombrables jeunes. Nous devons éviter que toute une génération se sente abandonnée par l’Europe et, frustrée, soit poussée dans les bras des populistes.
L’Allemagne et la France veilleront à ce que la dimension sociale ne reste pas le parent pauvre de la construction européenne.
Dans la politique internationale aussi, nous avons besoin d’une UE forte. Face à la mondialisation croissante, l’Union européenne doit renforcer sa position d’acteur majeur sur la scène politique mondiale. Ni l’Allemagne, ni la France ne sont en mesure, seules, de préserver notre influence et notre rôle dans un monde en mutation. Ce n’est qu’ensemble, en tant qu’Européens, que nous pourrons le faire. Cela présuppose toutefois que nous dépassions les perspectives purement nationales et que nous soyons disposés à voir les choses du point de vue du partenaire. C’est ce qu’a montré clairement la crise actuelle en Ukraine : quand nous agissons de concert, en tant qu’Européens, notre voix porte beaucoup plus.
J’aimerais terminer en vous lançant un appel : la coopération franco-allemande ne se fait pas toute seule et la réussite de notre partenariat n’est pas acquise une fois pour toutes. Toutes les parties prenantes doivent sans cesse y travailler et en prendre soin. C’est donc à vous, en particulier, qu’il va revenir dans l’intérêt d’une Europe élargie toute entière de continuer à porter et à consolider l’idée franco-allemande.
Ce travail incessant pour la réussite de notre partenariat sur lequel conclut Axel Schäfer, est au centre des activités de nos associations. Mais ce travail sera d’autant plus efficace qu’il pourra bénéficier d’un bilinguisme franco-allemand accru et, par conséquent, de l’organisation effective de l’apprentissage de la langue du voisin, dans le cadre du nécessaire plurilinguisme européen.
A l’heure actuelle le chemin engagé semble aller en sens inverse.
C’est pourquoi nous devons rester mobilisés et signer la pétition nationale pour le maintien des classes bi-langues ! Cliquer sur Pétition de l’ADEAF
A propos des conséquences catastrophiques de la réforme dd Madame Vallaud Belkacem sur l’apprentisage de l’allemand en France, lire aussi l’article paru sur ce site
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